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Le devisement du monde

Le devisement du monde
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Le devisement du monde
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31 janvier 2011

Empire des sens

Le cinéma est peut-être le meilleur moyen pour s'imprégner d'une culture étrangère. Or le cinéma japonais recèle quelques perles en matière d'érotisme. On pense immédiatement au film d’Oshima et son très beau Empire des sens:


L'Empire des sens - Bande annonce Vost FR

Le film raconte l'histoire, vraie, de Sada Abe, une ancienne prostituée devenue femme de chambre. Son histoire d'amour avec le patron de l'hôtel où elle travaillait aurait pu être banale si elle n'avait pas atteint des sommets: car les deux amants se coupèrent du monde pour vivre une passion si forte qu'elle conduisit Sada en prison et son ami au cimetière. Ce qui frappa le plus l'imagination des contemporains (l'événement eut lieu en 1936) c'est l'innocence toute paradoxale de la jeune femme. Et quand on lui demanda pourquoi elle avait mutilé le cadavre de son amant, et où était le bout manquant, elle le sortit de son sac à main en expliquant qu'elle lui avait coupé la verge pour être sûr que jamais une autre femme ne pourrait en profiter. Le tribunal fut particulièrement tendre avec elle, acceptant des circonstances atténuantes pour ce "meurtre d'amour".

Oshima Nagisa en fit un film somptueux, sensuel. Pour contourner la censure il en fit une coproduction française afin d'être diffusé comme "film étranger" dans l'archipel. Cela n'empêcha pas les censeurs de couper et flouter à tout va une pièce qui, c'est vrai, tourne toute entière autour de le notion d'érotisme. Cette idée de coproduction eut cependant comme effet bénéfique de rendre "visible" ce film qui sinon serait resté dans le ghetto des "Pink Eiga" (les films destinés aux réseaux adultes) et jamais il n'aurait été présenté pour le festival de Cannes.

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21 janvier 2011

Yoshiwara, le quartier réservé

Les quartiers réservés ont pour origine la volonté du premier shogun Tokugawa de contrôler les lieux de plaisirs et de circonscrire géographiquement le monde de la nuit. Yoshiwara, le quartier réservé d'Edo (la ville qui deviendra plus tard Tokyo) est par exemple né dès 1614.

Ces lieux, et leurs codes, rompaient avec la discipline guerrière et le régime de castes que le shogun tenait à voir en place partout dans l'archipel: une fois passé le pont menant au quartier réservé, le samouraï et le bourgeois pouvaient se côtoyer en faisant mine de ne pas se reconnaître. L'éducation, le raffinement et l'argent étaient les seuls critères sur lesquels les clients peuvent rivaliser pour avoir l'honneur de passer une soirée avec les courtisanes de haut rang. Et pour les candidats malheureux, les bordels d'abattages ne manquaient pas non plus.

Une abondante littérature existe en japonais sur ce monde clos, désigné par les poètes comme le "monde flottant" - Ukiyo-   en référence à un concept bouddhiste sur l'impermanence des plaisirs. Pour les lecteurs cherchant plus d'information, le livre de référence - en anglais - est bien sûr Yoshiwara de Cecilia-Segawa-Seigle. Enfin concernant le monde flottant à l'époque contemporaine je citerais Geishas et prostituées Hideko Fukumoto.

 

A traiter: Qu'est-ce qu'un quartier réservé, sa faunem ses codes, l'histoire de Yoshiwara

18 janvier 2011

Littérature érotique japonaise

Même en se contentant des textes disponibles en France, il est difficile de faire un panorama exhaustif du genre. Et d'ailleurs comment comprendre l'érotisme? S'il s'agit de la description de scènes à contenu sexuel, alors le Japon est un grand précurseur car dans ce cas le Dit du Genji est non seulement le premier roman de l'histoire de l'humanité, mais aussi le premier texte érotique: il décrit presque exclusivement la vie amoureuse d’un Prince de sang à la cour de Heian (XIe siècle).

Dans la même veine mais plus récent, L'Homme qui ne vécut que pour aimer de Saikaku, typique de la littérature  du XVIIe siècle, décortique la vie dans les quartiers réservés où les codes rigides des castes étaient effacés au profit de la richesses, de la culture et de l'érotisme.

Viennent ensuite de grands auteurs largement traduits en français : Sôseki bien sûr, notamment avec Les belles endormies: un vieil homme décide d'aller dans un hôtel d'un genre spécial, réservé aux clients "sans histoires" (comprenez impuissants), pour dormir aux côtés de belles jeunes femmes. On peut citer Mishima avec par exemple cette scène où une femme "agrémente" de lait maternel le thé qu'elle prépare pour son époux partant à la guerre dans Le Pavillon d'or. Ou encore Edogawa Rampo dont je parlais il y a déjà un moment. Plus récent et peut-être plus iconoclaste : Murakami Ryu, je pense à sa série Ecstasy/Melancholia/Thanatos aux thèmes particulièrement troubles.

Pour ce qui est du carrément porno, il n'y a pas vraiment de traduction en français de textes d'après guerre (même si on peut citer Le Secret de la petite chambre, regroupant deux récits attribués à Kafû Nagai et Akutagawa). Il est dommage par exemple que toute la production de l'éditeur Nippon "France" ne soit disponible qu'en japonais.

16 janvier 2011

Nippon fripon

La première fois que je me suis posé la question, j'étais en encore en France, Aki venait de s'effondrer sur le lit à côté de moi. Elle avait replié ses mains menues sur mon sexe encore couvert de l’inévitable préservatif et s'était mise à folâtrer. « Alors c'est ça faire l'amour à la française ? », me souffla-t-elle. Etrange, j'allais justement lui poser la même question : voilà donc le sexe à la japonaise ? Nous nous étions effleurés des doigts pendant la soirée, avions mangé un morceau en attendant la seule chose qui nous intéressait vraiment sur la carte : le sexe.

Le menu était classique : effeuillage de mademoiselle, cunnilingus joueur, fellation sérieuse, soixante-neuf un peu court puis plat de résistance avec Aki sur le dos. Variations et arpèges, levrette, amazone inversée, cris et chuchotements. Le plaisir venu et vaincu, restait la question que l'on se pose forcément après avoir fait l'amour à une fille venue de l’autre côté du globe : où est la différence ?

Ma réponse, je compte la chercher au fil des semaines qui viennent. Mon but est de montrer que s'il y a une différence, elle se situe au-delà de la couleur de peau ou de la maîtrise des sinogrammes. Pour faire l'amour à la japonaise vous n'avez pas besoin de prendre des leçons de cérémonie du thé, de manger avec des baguettes ou de lire des mangas dans le texte (bien que chacune de ces pratiques puisse vous aider). Non, pour aimer à la japonaise, il faut oser penser comme un couple japonais. Pas simple, quand on connait l'âge et le raffinement de la culture concernée.

Au cours de ce voyage, je compte bien dériver vers le monde flottant, celui des plaisirs et de la nuit, celui d’un Japon rêvé. Eh oui, à mille lieues de la réalité sociologique, de la dénatalité, de la misère sexuelle de couples qui ne se voient pas pour cause de travail harassant et de temps de transports démesurés, nous imaginons un archipel érotisé et trouble. Nous pensons aux Geishas, au commerce de petites culottes, au bondage élevé au rang d'art et aux mangas chargés d'une sexualité débridée, parfois violente, toujours esthétique.

Bref, je ne vais pas faire une étude sur la sexualité au Japon mais plutôt donner des clefs pour épicer votre couple et donner à vos nuits un parfum d'Extrême-Orient. Les plus exigeants d'entre vous iront peut-être potasser la bibliographie, mais pour les autres, amusez-vous avec les codes de l'érotisme japonais.

Car s'il est vrai que le Japon intrigue, c'est peut-être avant tout par son approche de la sexualité. Existant loin des cadres que nous impose notre morale judéo-chrétienne, la culture japonaise s'est développée sans notion de péché. Dans un pays où les apparences et la « face » priment sur la vérité, le regard de l'autre est la seule puissance normative. D'où à première vue une absence de culpabilité liée au sexe.

Ce gouffre entre les règles sociales, parfois très contraignantes, et ce qui est perçu comme une absence de normes morales concernant la sexualité, a donné naissance à un raffinement (d'aucuns diront une perversité) dont nous, Occidentaux héritiers d'une « révolution sexuelle », avons encore beaucoup à apprendre.

30 septembre 2009

Dossier en SoufFRance

 

Parfois j’ai de drôles d’idées. La dernière en date consistait à vouloir un téléphone portable. Consommateur médiocre de ce genre de produits, j’ai opté pour un forfait mini-mini à 6 euros. Las ! J’aurais dû me souvenir que plus c’est petit plus c’est méchant… Car ce téléphone, ou plutôt la Société qui FouRnit cet engin, n’arrête pas de me faire des crasses.

Ça a commencé avec un courrier un peu laconique m’expliquant que mon dossier (10 pages de photocopies validées par mon revendeur de ces joujoux cancérigènes) était incomplet et que ma ligne allait être fermée si je n’appelais pas un numéro précis avant le 10 octobre. Un peu étonné j’appelle.

On me confirme la nouvelle : le certificat d’hébergement n’est pas valide. Ah bon ? Qu’est ce qui ne va pas dans la lettre de PPM, mon très cher beau-père. Réponse : cela Monsieur, je ne peux pas vous le dire. Et pourquoi ? Je n’ai pas le document. Eh bien cherchez-le ! Je ne peux pas, on détruit les documents, on n’a pas la place de les garder. Vous ne les scannez même pas ? Non.

Là, j’avoue que je perds un peu mon calme. Des mots comme « irresponsables » on peut-être bien fusé. Comme je suis mesquin, j’ai demandé à parler à la chef. Rebelotte : pas bien le certificat d’hébergement, poubelle ce que les clients envoient. Si pas de nouveau certif, bye-bye la ligne. La discussion a duré à peu près 40 min, au frais de ceS afFReux car l’appel était gratuit depuis un poste fixe (et cela pour, je le rappelle, un forfait à 6 euros, youhou !).

Au bout de tout ce temps, la femme-chef, qui refusera de me donner son prénom (c'est fou ce que les gens sont timides parfois), me donne une adresse à Aix-en-Provence où envoyer une nouvelle attestation d’hébergement, ce que je fais dans la journée.

Fini ? Ce serait trop beau…

Hier, 29 septembre, mon téléphone tombe soudainement en rade : la batterie marche, il s’allume, mais je n’ai aucun réseau nulle part et personne ne peut plus me joindre. Coup de fil (depuis le cellulaire de ma chère et tendre) à cette même Société qui se Fout Royalement de ma tronche. Une jeune femme très sympa m’annonce avec un sourire qui passe même à travers le combiné qu’effectivement ma ligne est suspendue car mon dossier est incomplet. L’adresse à Aix ? Une bonne blague de la Sale cheFtaine pas dRôle qui s’est amusée à me faire écrire pour des queues de cerises.

Sauf qu’entre temps j’ai déménagé et que j’ai fait l’erreur de changer mon adresse de facturation via internet. Pas de problème me dis-je, j’ai un bail à mon nom. Sauf que la Société qui Fait tout pouR me planter refuse le bail comme preuve de logement. Elle veut une facture, ou une quittance de loyer (format informatique, pas le truc à talon qu’on trouve en supermarché).

Bref, me voilà fait comme une blatte dans un roman de Kafka. Long silence angoissé. Je m’imagine en train d’asperger d’essence mon téléphone devant le Siège de cet inFâme Réseau et d'y mettre le feu. A l’autre bout du fil, la jeune femme compatit. Attendez, je vais parler à ma responsable. Hum, s’il faut écrire à Aix, merci mais j’ai déjà donné. Non, elle a trouvé une solution : que je lui faxe la première facture que sa société a envoyée.

Ce sera donc une résolution à la Ubu au pays des consommateurs : pour prouver que je réside dans ma nouvelle maison, je faxe à ceS Filous Rapias leur propre facture, envoyée un mois plus tôt à une autre adresse. Tout va bien maintenant. Après cette victoire de l’imaginaire sur le réel, je me crois prêt pour le vrai combat : être à nouveau affilié à la sécurité sociale.

 

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22 septembre 2009

DIGNE LES RIENS

Il faut se méfier des expressions toutes faites : parfois elles sont vraies. Prenez « crétin des Alpes », ça semble suranné comme locution ? Pas si sûr.

Je ne suis resté que deux semaines à Digne, le temps de découvrir sa médiathèque - sympa, bien fournie, ouverte 4 heures par jour 5 fois par semaine. Par contre je n’ai pas pu tester tous les bouchers du bled – à ma décharge il doivent être plus de 30, soit un tous les 500 mètres. A  mon avis ils manquaient de bornes et ils ont plantés des boucheries à la place. En terme de profession sur-représentée, on compte les médecins généralistes – j’en ai dénombré plus de vingt. Normal, nous sommes dans une ville thermale, mais notez bien qu’aucun de ces honorables praticiens n’a accepté de me recevoir en consultation : « le docteur ne prend plus de nouveau patient », « Monsieur Dugenou marie sa fille », « J’ai rien avant trois semaines »… Et pour les urgences ? Bah, il vous reste l’hôpital. Et puis c’est dans l’air du temps.

 

Ah, je sais, vous allez dire que je râle encore, que la ville est jolie, les gens souriants. Mais nom d’un chien ils sont obligés ! Faute d’espace ou de monde on n’arrête pas de se croiser, de tomber encore et toujours sur les mêmes têtes. Ou alors c’est que la consanguinité est telle qu’on peut plus faire la différence entre les cousins ? Tss, tss, allons Antoine, un peu de respect. Tu parles tout de même de la famille du Docteur Dugenou.

19 septembre 2009

K-12

A l’heure de la psychose H1N1 le nom de Kaddouz a des consonances qui rappellent trop la bataille navale pour ne pas faire frémir. Qui peut bien chercher à effrayer le péquin moyen en donnant ce nom à cette avenue du 12e arrondissement, en plein quartier arménien ? C’est que Kaddouz, Charles de son prénom, mort en août 1944 pendant la libération de Marseille aurait pu faire partie de ces jeunes gens aux noms lointains chantés par Aragon et Ferré:

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient le cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient vive la France en s’abattant.

Justement ces vingt et trois sont à l’écran… Il faudrait que je revois Marius et Jeannette, si ça se trouve on y voit la rue K-12.

18 septembre 2009

REPRISE

Cela fait presque un an que je n’ai pas écrit ici, il est temps que cela change d’autant que j’ai des choses à vous raconter. Changement de thématique, exit le Japon, bonjour Marseille. Et pour ceux qui auraient l’estomac trop fragile pour l’orgie de bouillabaisse que je vous mitonne, il y aura régulièrement des nouvelles érotiques, là, sur ce lien (le sexe, rien de tel pour faire exploser le nombre de visiteurs).

11 novembre 2008

Entre parenthèses

Ceux qui suivent ce blog régulièrement ne seront pas étonnés en apprenant que j'ai décidé de mettre "le devisement" en sommeil pour un temps: je voulais parler du Japon, je n'y suis plus, et du processus éditorial, Tokyo Rhapsodie est publié... Mais comme vous n'avez pas affaire à un ingrat, voici, en guise de paraphe, les premières lignes du roman de Carlos Ruiz Zafon, El juego del angel, traduites par ma chère et tendre:

"Un écrivain n'oublie jamais la première fois qu'il accepte quelques pièces ou un compliment en échange d'une histoire. Il n'oublie jamais la première fois qu'il sent le doux poison de la vanité dans ses veines et il croit que, s'il parvient à ce que personne ne découvre son manque de talent, son rêve de littérature lui accordera un toit au-dessus de sa tête, une assiette chaude à la fin du jour, et ce qu'il désire plus que tout : son nom imprimé sur un misérable bout de papier qui lui survivra sûrement. Un écrivain est condamné à se souvenir de ce moment, car c'est celui où il s'est perdu et qu'il a donné un prix à son âme."

31 octobre 2008

INTERVIEW PSYCHO SEXO

Un journaliste de ce magazine tout neuf m'a contacté pour répondre à quelques questions sur l'érotisme et le Japon...

Vous êtes l’auteur de Tokyo Rhapsodie où vous montrez une capitale japonaise aux contours sexuels plus que débridés ! Vous avez vécu 6 ans au Japon. Est-ce un Japon fantasmé de la part des français qui y vivent ou bien entre-t-on dans l'univers érotique des Japonais eux-mêmes ?

Je voulais écrire, et décrire, un Japon cru et violent, et pour cela le genre romanesque s’est imposé. J’ai commencé par travailler sur des archétypes, ceux qui effectivement correspondent aux phantasmes des Français (la geisha, la petite amie à la mine de poupée et en apparence si soumise) ou des Japonais (les lycéennes en uniforme). Concernant les pratiques décrites, ce sont celles qui peuplent les pages des mangas érotiques : bondage, triolisme, bukkake… La structure même du roman renvoie d’ailleurs à la bande dessinée nippone : il s’agit de saynètes courtes avec une force évocatrice extrêmement graphique.

Qu’est-ce qu’un ou une Française peut apprendre de la sexualité japonaise par rapport à sa culture occidentale ?

Ce que l’on apprend au contact d’une société si différente, c’est avant tout à se connaître mieux soi-même. Ce qui provoque chez nous choc, dégoût ou colère, est en fait la clé d’une leçon importante : il n’y a pas de péché. Cela peut sembler évident, mais il a fallu que je parcoure 10 000 kilomètres pour en voir la mise en pratique. Au Japon, pays peu touché par le christianisme, le corps et le plaisir ne sont pas sales. Il appartiennent à la sphère du privé, on ne criera donc pas sur les toits qu’on pratique le bondage ou l’échangisme, mais en même temps le sexe n’est entaché d’aucune culpabilité. Il existe, point.

Quand on parle d'érotisme et de pratiques "made in Japan" on évoque souvent le bondage (shibari/kinbaku), il y a d'ailleurs une scène très forte dans votre livre qui l'illustre...

Il faut bien voir que le shibari tel qu’on le voit par exemple dans les mangas ou dans les films répond à plusieurs exigences. Tout d’abord il s’agit d’un art qui s’appuie sur une tradition ancienne, ligotage et suspension faisaient partie de l’attirail judiciaire permettant d’obtenir des aveux de la part des suspects, et qui a un objectif esthétique. Pour ceux qui s’adonnent à cette pratique, la quête va au-delà de l’excitation sexuelle : ce que l’on cherche à faire en liant et en suspendant son partenaire, c’est obtenir une vision de son vrai visage. On lui arrache le masque fait de politesses et de convenances, pour le mettre véritablement à nu.
J’ai essayé de combiner ces éléments pour forger une scène à la fois esthétique et cruelle : d’un côté le maître explique le sens de ses œuvres et en même temps on a affaire non pas à des tableaux mais à des êtres vivants, qui plus est en état de souffrance.

Beaucoup de stimulants sexuels dans votre livre aussi, des aphrodisiaques et divers filtres... Est-ce aussi courant au japon? Pour les hommes, pour les femmes?

Eh oui, le Japon est le paradis du gadget et la sexualité n’est pas une exception. On y vend par exemple des ona holes, ou vagins jetables : il s’agit de canette à usage unique pour masturbation masculine. Certaines sont décorées de personnages de manga pour parfaire l’illusion…
Concernant la drogue décrite dans mon livre, il s’agit plutôt de travailler sur le ressort de l’abandon de la volonté, sur un jeu de contrainte et de violence qui peut paraître malsain mais qui fait partie intégrante de l’érotisme japonais. L’homme, pour être rassuré dans sa virilité, recherchera une femme-enfant peut expérimentée, ou quelqu’un jouant ce personnage. D’où cette tendance qu’ont les filles à jouer les saintes nitouches en disant yada ou dame (non, non !) non pas pour repousser le garçon, mais pour le conforter dans son rôle de dominant.

Vous êtes à nouveau en France, est-ce que les tabous en France et au Japon sont les mêmes ?

Disons qu’en France on parle beaucoup de sexe mais on ne fait souvent pas grand chose, au Japon c’est le contraire.

Deux protagonistes de cette fiction sont français. L’un y est depuis peu et découvre les dessous de Tokyo, l’autre y est depuis pas mal de temps et a pris certaines distances. Dans ce livre quel est leur regard leur appréhension de la vie sexuelle au contact des japonaises ?

Ces deux personnages pourraient être la même personne à cinq ou dix ans d’intervalle. Pour un garçon débarquant au Japon, l’impression de devenir un sexe-symbole est très grisante. Et puis avec le temps viennent les désillusions. Dans un pays machiste comme le Japon, les filles ont appris à être manipulatrices et le bourreau des cœurs se retrouve pieds et poings liés à sa « conquête ». Ou alors après avoir multiplié les aventures trop faciles et sans lendemain le garçon commence à se demander ce que cherchent vraiment les filles qui sortent, et couchent, si facilement avec lui. N’est-il pas en fait qu’un « petit copain gaijin » juste bon à rendre jalouses les copines et faire bien sur les photos ?

Vous avez ainsi des personnages féminins très contrastés  de différentes générations, des très jeunes femmes à des femmes plus mûres ? Entre la réalité et fiction quelle est votre perception des femmes japonaises par rapport à la sexualité ?

Le Japon moderne est un pays machiste : aujourd’hui encore des femmes doivent choisir entre mener une carrière et créer un foyer. On attend d’une employée de bureau qu’elle quitte son travail au premier enfant pour devenir femme au foyer. L’homme au contraire doit apporter la sécurité, à commencer par la sécurité financière. Il part tôt le matin, travaille longtemps, et passe souvent la soirée entre collègues ou avec des clients pour rentrer le soir après onze heures et recommencer la même chose le lendemain. Résultat, les couples vivent en parallèle, en étrangers, et la sexualité en pâtit. Reste alors le phantasme, en film ou sur papier glacé, et les étreintes tarifées qui peuvent être d’une incroyable variété.

Les estampes japonaises aux vertus aphrodisiaques, l'art du bain, le rapport eau-corps rituels font ils partie de l'univers de la sensualité du plaisir de l'érotisme japonais?  Est-ce un ingrédient de l'érotisme japonais ?

Les estampes d’autrefois remplissaient le rôle qu’ont maintenant les manga : ils illustrent les phantasmes, parlent d’un monde essentiellement urbain, frustré et en même temps libéré de beaucoup de tabous d’où une violence exacerbée. Les monstres y sont légions, et sont souvent pervers. Tentacules, poulpes, les créatures marines agressent les femmes, fouillent les entrecuisses dans un bruit humide.
L’eau a d’ailleurs une signification érotique: c’est dans l’eau que les Dieux trempent la lance pour donner naissance au Japon. L’orgasme est souvent manifesté par une vague, et les corps faisant l’amour se couvre de sueur, de sécrétion. Bref l’eau est un élément qui génère vie et plaisir, mais qui est en même temps vaguement sale...

Qu’est-ce que les japonais pourraient apprendre des mœurs et pratiques sexuelles françaises, ou même occidentales ?

Les Japonais n'ont pas attendu pour se faire une culture en la matière : dès l'ouverture du pays sous l'ère Meiji, des anciens samurai sont envoyés en occident pour étudier les techniques, et au cours de leurs séjours ils n'oublient pas de visiter nos maisons closes... La mode de la culotte se répand après un incendie à Ginza où des dizaines de femmes en kimono refusèrent de sauter de l'immeuble où elles étaient coincées par peur de montrer leurs dessous, ou plutôt leur absence, aux sauveteurs... Bref, le Japon, toujours curieux de modernité, a été très vite au fait de nos pratiques. Les différences ne sont peut-être pas tant à chercher dans les actes, que dans le sens qu'on y attache. Un exemple parmi d'autres : au Japon, embrasser sur la bouche, ou plus exactement sucer la langue de son partenaire, est un préliminaire sexuel, et non une marque de tendresse. J'ai ainsi vu dans des sex-shop de Tokyo des DVDs où des couples ne font rien d'autre que s'embrasser en public. La caméra alterne entre les gros plans sur le couple et des vues plus larges sur la rue pour montrer les réactions des passants.

Votre prochain roman  sera un thriller sur les Yakuza. Vous abandonnez le terrain de l’érotisme ou bien sera-t-il encore l’un des éléments du roman ? Est-ce incontournable quand on écrit une histoire qui a lieu au Japon ?

Mon texte est encore à l'état d'ébauche donc j'aurai beaucoup de mal à en parler... Disons que je cherche à faire de Tokyo un personnage à part entière en utilisant pour cela des éclairages différents. Il ne s'agit pas de « plaquer » de l'érotisme, comme on change des noms de personnages pour les rendre exotiques, mais de rendre compte d'une réalité. Est-ce qu'il y aura du sexe dans mes pages ? Oui, si cela est nécessaire à la narration...

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